(Ce texte de François Falardeau a été originalement publié dans le Bulletin mensuel de l’Amicale généalogique Falardeau, volume 2, numéro 5, mai 2009.)
Je remercie Georges Falardeau pour les informations qu’il m’a transmises sur la famille Bergevin, notamment un article de Michel Langlois tiré du livre Les ancêtres beauportois 1634-1760 et un article du journal Le Soleil sur les bâtisseurs de Beauport.
Les parents de Marie Ambroise Bergevin
Comme nous le savons, Marie Ambroise Bergevin est l’épouse de Guillaume Follardeau (Falardeau), et donc comme lui l’ancêtre de tous les Falardeau d’Amérique. D’après le Fichier Origine, son père, Jean Bregevin ou Bergevin, a été baptisé le 11 mars 1635 à Angers, en Anjou. C’est d’ailleurs de cette région que vient son surnom de Langevin (l’Angevin), qui deviendra éventuellement le patronyme d’une partie importante de ses descendants.
Fils de Mathurin Bregevin et de Marie Tesnier, dont le mariage avait eu lieu à l’église Saint-Jacques-lès-Angers en 1634, il arrive en Nouvelle-France le 17 août 1665 comme soldat de la compagnie de Grandfontaine du régiment de Carignan-Salières.
Les soldats ne pouvaient pas se marier tant qu’ils demeuraient dans l’armée. Mais trois ans plus tard, lorsque les troupes sont licenciées, Jean décide de demeurer en Nouvelle-France; il s’installe à Bourg-Royal. Le 27 septembre 1668, il s’engage auprès d’Anne Gasnier, veuve de Jean Bourdon. Langlois précise : « Il promettait de faire pour le printemps suivant deux « bereaux » au jardin de la terre de Saint-Jean, un le long de la grande allée du jardin et un autre qui traversera l’allée où est plantée la vigne ». Si l’un de vous sait ce qu’est un « bereau », je publierai l’information avec plaisir ! Soulignons en passant les efforts des premiers colons pour implanter des vignes en Nouvelle-France. Ce sera malheureusement un échec, mais ça démontre l’importance de la vigne en France dès cette époque.
Le 26 novembre 1668, il épouse Marie Anne Piton à la paroisse Notre-Dame de Québec. Marie Anne, fille de Rémi Piton et Marie Poilen, est née à Paris vers 1651. Elle fait partie des « filles du roi », ce groupe de femmes envoyées par le roi pour favoriser le développement de la population de la Nouvelle-France. Elle apporte en biens 60 livres reçues comme fille du roi.
Les Bergevin exploitent leur terre de Bourg-Royal durant sept ans et la vendent à Estienne Gilbert le 21 décembre 1675, avec entente pour qu’ils puissent y demeurer jusqu’au 15 mai 1676. Le 16 février 1676, ils obtiennent une concession de Joseph Giffard, fils de Robert Giffard, une des grands pionniers de la Nouvelle-France, de deux arpents de front par neuf de profondeur au village Saint-Michel de Beauport.
Tout en exploitant sa terre, Jean Bergevin se lance dans la pêche, conjointement avec Étienne Perreteau. Les deux signent en effet avec Joseph Giffard, le 22 janvier 1678, un bail de cinq les autorisant à pêcher dans le lac Beauport. En contrepartie, ils s’engagent à fournir chaque année au seigneur 400 truites. Le 9 mars 1696, Jean obtient du même seigneur une concession de deux arpents et demi de front par 25 de profondeur au village Saint-Michel. On en sait peu sur le reste de sa vie, jusqu’à son décès le 2 février 1703, en pleine épidémie de petite vérole qui, selon Langlois, emporte une soixantaine de citoyens et citoyennes de Beauport.
Quant à Marie Piton, elle survivra 25 ans à son mari et mourra à Beauport le 25 avril 1728, âgée d’environ 77 ans. Le 28 septembre 1706, elle avait donné tous ses biens à deux de ses fils, Louis et Ignace, qui demeuraient comme elle au village Saint-Michel. En contrepartie, ces derniers s’engageaient à la nourrir et la loger le reste de ses jours.
Les Bergevin eurent 11 enfants :
- Jean, né le 18 août 1669 à Québec et décédé cinq jours plus tard;
- Un second Jean, né vers 1670; il se mariera trois fois, avec Marguerite Meunier en 1702, puis avec Marie Renée Bezeau en 1703, et enfin avec Marie Ursule Forsan en 1712;
- Joseph, né le 10 mars 1673 à Québec;
- Jacques, né à Québec le 27 juin 1675;
- Marie Ambroise, baptisée à Québec le 8 mai 1676, qui épousera Guillaume Follardeau en 1694;
- Marie, née vers 1678, qui épousera Siméon Morin en 1703 puis Charles Crespon en 1736;
- Louis, né à Beauport le 6 décembre 1681, qui épousera Marguerite Tessier en 1705;
- Marie Madeleine, baptisée à Beauport le 18 mai 1684;
- Ignace, baptisé à Beauport le 23 octobre 1685, qui épousera Geneviève Tessier le 19 novembre 1708;
- Un enfant mort-né à Beauport le 12 mars 1688;
- Jean François, baptisé à Québec le 5 avril 1690, marié à Marie Madeleine Tessier le 13 février 1690.
D’après Langlois, l’inventaire effectué le 8 mars 1703 (un inventaire après décès était alors obligatoire lorsqu’une personne décédée laissait des enfants mineurs) « démontre à l’évidence que les Bregevin ne possédaient pas beaucoup de biens. On y relève entre autres « un fusil de quatre pieds de canon, une carabine, deux couvertes de lit dont une en poil de chien, une table ronde en bois de noier (noyer), une balence (balance), deux bœufs de travail, un cheval et son harnois ». La maison mesurait 30 pieds par 21 pieds, et contenait cave et grenier, deux chambres et deux planchers. Elle était recouverte de paille et estimée à 400 livres. »
Compte tenu de leur niveau de richesse, ils pouvaient cependant se montrer généreux, comme le montre cet extrait, légèrement modernisé, du contrat de mariage de Guillaume Falardeau et Marie Ambroise Bergevin : « En faveur et contemplation dudit mariage, ledit Bergevin et sa dite femme… donnent par les présentes une terre et habitation de trois arpents de front sur [papier déchiré] de profondeur plus ou moins située à Saint-Ignace en ladite paroisse de Beauport… avec toutes ses appartenances, circonstances et dépendances sans aucune réserve pour par lesdits futurs époux leurs hoirs (héritiers) et ayant cause en faire jouir et disposer en toute propriété à perpétuité, à la charge de payer et acquitter par eux lesdits futurs époux… les cens et rentes dont elle est chargée franche et quitte d’iceux jusqu’à ce jour.
Et après ce délai, fournir et bailler, et ensemencer le printemps prochain deux minots de blé à la charrue sur l’habitation d’eux dits Bergevin et sa dite femme et toute et telle quantité de blé que lesdits futurs époux pourront ensemencer dans la terre neuve desdits Bergevin et sa dite femme, avec ses habits nuptiaux; comme aussi… loger lesdits futurs époux pendant un an du jour de leurs épousailles à leurs frais; et la seconde année lesdits futurs époux apporteront tout le blé qu’ils recueilleront tant sur leur dite terre à la charrue qu’en la terre neuve qui se consommera à leur nourriture. En leur fournissant par lesdits Bergevin et sa femme le surplus des autres vivres qu’il leur faudra pour ladite seconde année; et ce pour leur faciliter les moyens de mettre pendant ledit temps par lesdits futurs époux l’habitation ci-dessus à eux donnée en état de culture; promettent aussi lesdits Bergevin et sa dite femme d’aider auxdits futurs époux à se bâtir sur ladite habitation pendant le cours desdites deux années, à la fin desquelles années lesdits Bergevin et sa femme promettent pareillement bailler auxdits futurs époux une taure d’un an, deux cochons nourritureaux (jeunes porcs sevrés) et six poules, deux couvertes de bordeaux telles qu’elles seront, une marmite, six cuillers d’étain ». Les Bergevin se sont acquittés de leur engagement, pour lequel Guillaume leur a donné quittance quelques années plus tard.
Dans la brochure historique Histoire de raconter – Les premières familles de la paroisse de Charlesbourg, on mentionne quatre des enfants de Jean Bergevin et Marie Anne Piton et leur épouse (je les donne tels qu’ils sont écrits dans le document) :
- Au Bourg-Royal, Geneviève Tessier et Ignace Bergevin (Langevin), 11 enfants, et Marie Madeleine Tessier et Jean François Bergevin (Langevin), 9 enfants;
- À Saint-Antoine, Marguerite Meunier et Jean Bergevin (Langevin), 1 enfant, Marie Renée Bezeau et Jean Bergevin (Langevin), 2 enfants, et Marie Ursule Forsan et Jean Bergevin (Langevin), 12 enfants (nous avons vu plus haut qu’il s’agit des trois épouses du même Jean Bergevin);
- Au Grand-Saint-Antoine, Marie Ambroise Bergevin et Guillaume Falardeau, 9 enfants.
Curieusement, on ne mentionne pas le couple parental. Pourtant, comme nous l’avons vu, Jean et Marie Anne ont vécu au moins sept ans à Bourg-Royal. Était-ce une partie de Bourg-Royal qui ne faisait pas partie de Charlesbourg ? On peut s’attendre par contre à les retrouver dans l’Allée des bâtisseurs de Beauport qui, d’après un article du journal Le Soleil signé Isabelle Houde, « sera érigé le 20 juin à l’emplacement de l’ancienne salle publique détruite en 1953 » à l’occasion du 375e anniversaire de Beauport. Cette allée pourrait faire l’objet d’une visite du groupe qui se rendra cet été au Mémorial de Charlesbourg. Je reviendrai bientôt sur cette rencontre.