(Ce texte de François Falardeau a été originalement publié dans le Bulletin de l’Amicale généalogique Falardeau, volume 1, numéro 4, 18 mai 2008.)

Bien que les informations soient très parcellaires, et que les sources ne soient pas toujours certaines, je vais tenter de vous résumer ce qu’on connaît de la vie des enfants de Pierre Follardeau et Jeanne Cousteau, dont j’ai parlé dans les bulletins précédents. J’invite les membres qui auraient des informations supplémentaires à nous en faire part. J’ai trouvé trace jusqu’ici de trois enfants, soit les deux frères qui ont émigré en Nouvelle-France, probablement comme soldats, et Jeanne, épouse de Jean Meusnier.

Guillaume Follardeau

Si on se fie à l’âge de 70 ans mentionné à son décès, en 1726, Guillaume serait né en 1656. Il faut cependant préciser que les âges au décès sont souvent approximatifs, avec une tendance à l’exagération. Je serais porté à dire qu’il est né entre 1656 et 1667, compte tenu qu’il ne figure pas dans les registres de Bignay à partir de 1668, et qu’il est arrivé en Nouvelle-France, comme soldat, vers 1688. Il a probablement été baptisé dans l’église Saint-Sauveur de Bignay, identifiée maintenant comme église priorale de la Transfiguration, sur les fonts baptismaux inaugurés en 1594 d’après la photo ci-jointe.

Les fonts baptismaux de l’église Saint-Sauveur de Bignay.
Photo : Alain Blaise.

D’après les informations trouvées dans son contrat de mariage, et reprises dans les registres de mariages, Guillaume était soldat de la compagnie du sieur de Saint-Jean quand il est venu en Nouvelle-France. Émile Falardeau, généalogiste renommé dont j’ai déjà parlé, dit qu’il prit part à l’attaque de Corlaer, en Nouvelle-Angleterre, et au siège de Québec (rapporté par le frère Éloi-Gérard dans Généalogies – Beauce, Dorchester, Frontenac). Je n’ai pas trouvé, dans le fonds Émile Falardeau, conservé à la Société d’histoire de Longueuil, ou ailleurs, de document venant appuyer ces affirmations. Dans Nos Ancêtres, Gérard Lebel dit quant à lui : « J’aimerais découvrir Guillaume dans les rangs des valeureux troupiers qui ont fait déguerpir Phips de la région de Québec à l’automne 1690. Peine perdue! »

Jacques Lacoursière (Histoire populaire du Québec – des origines à 1791) parle de la bataille de Corlaer (Schenectady), qui eut lieu dans la nuit du 18 au 19 février 1690. Il la décrit à la fois comme un massacre et comme un succès au plan militaire. « Un soixantaine d’habitants de Corlaer, dont plusieurs femmes et enfants, meurent tués ou blessés. 27 autres personnes, dont 5 esclaves noirs, prennent le chemin du Canada. L’expédition est un succès et les Canadiens n’ont à déplorer que 21 pertes de vie, soit 17 chez les Canadiens et 4 chez les Amérindiens ». Ce n’est là qu’un des épisodes sanglants rapportés par les différents historiens.

Quant à la bataille de Québec, voici un extrait de ce qu’en dit Wikipédia :

Celle-ci « intervint le 16 octobre 1690 entre les forces anglaises et françaises. Après la capture de Port Royal, les britanniques tentèrent de prendre la ville de Québec avec l’aide de la milice coloniale américaine. Leur tentative se solda par un échec. Menée par Sir William Phips, l’armée d’invasion débarqua à Beauport mais fut finalement repoussée par les tirs des canons du comte de Frontenac venant du haut de la falaise. Les troupes de Phips furent aussi repoussées à la Pointe-Lévy. »

Cette bataille fut présentée comme un exemple de guerre psychologique. Avant l’affrontement, Frontenac fit conduire l’émissaire de Phips, les yeux bandés, à travers les cris de la foule dans les rues de Québec, avec pour but de masquer son infériorité numérique. Lorsque l’envoyé britannique l’invita à se rendre, Frontenac lui répondit « La seule réponse que je ferai à votre général viendra de la bouche de mes canons et du feu de mes mousquets. » Le contingent colonial britannique se retira après un combat vicieux avec les forces coloniales françaises et leurs alliés amérindiens. Dès que les troupes arrivèrent sur leurs vaisseaux, la flotte d’invasion se retira à son tour. »

Frontenac repoussant l’offre de reddition de l’émissaire anglais.
Source : Wikipedia.

La suite de l’histoire de Guillaume est beaucoup plus calme. Je résume ce que j’ai trouvé en lisant des textes de Michel Langlois, Gérard Lebel et Robert Prévost, et en consultant des contrats impliquant Guillaume. Le 9 décembre 1693, il obtient, de Joseph Giffard, une concession de trois arpents de front et 25 de profondeur, située dans la seigneurie de Beauport. En échange, Guillaume devra payer, à chaque année à la saint Martin, une rente de 20 sols tournois, plus un sol par arpent de front et trois chapons vivants. Il s’engage de plus à faire moudre son grain « au moulin bannal de nostre seigneurye ». Cette concession sera annulée, le 7 mars 1712, et remise aux nouveaux propriétaires de la seigneurie. Puis il se marie, le 25 janvier 1694, à Marie Ambroise Bergevin. Ses trois premiers enfants naissent à Beauport, puis il s’établit à Charlesbourg, après avoir donné quittance à son beau-père de tout ce qu’il lui a promis lors du mariage (terre et habitation de trois arpents de front par [partie déchirée du contrat] de profondeur, plusieurs animaux dont deux cochons nourritureaux – jeunes porcs sevrés – et quelques autres biens). Ses six autres enfants naîtront à Charlesbourg (voir le bulletin numéro 2 pour les détails sur les neuf enfants et leurs conjoints). D’après divers contrats notariés s’étendant de 1699 à 1725, il augmente graduellement l’étendue de ses terres à la faveur de concessions des Jésuites et d’achats. Il décède le 30 novembre 1726, laissant neuf enfants vivants âgés de 7 à 32 ans. Son épouse décédera 32 ans plus tard, le 1er octobre 1758. Gérard Lebel ajoute qu’elle « avait connu 53 petits-enfants et 48 arrière-petits-enfants ». Pour ceux qui voudraient plus de détails sur les contrats passés par Guillaume, et sur la vie de la famille, je puis vous faire parvenir l’extrait du livre Nos ancêtres, de Gérard Lebel, que Georges Falardeau m’a envoyé. Nous y reviendrons, probablement à l’automne, dans un article plus détaillé sur les différents endroits où a vécu notre ancêtre.

Jean Follardeau

Guillaume avait un frère, Jean, qui semble avoir émigré en même temps que lui, probablement dans la même compagnie du sieur de Saint-Jean. Je n’ai pas trouvé de source assurant qu’ils étaient frères. Robert Prévost dit qu’il était « probablement un frère de Guillaume ». Si on se fie à l’âge donné lors de ses hospitalisations (voir plus bas), il serait né en 1668, vers la fin de mars ou au début d’avril. Cependant, je n’ai pas trouvé trace de son baptême à Bignay dans les registres commençant le 1er janvier 1668 que j’ai pu consulter à la mairie.

On sait peu de choses de Jean, qui ne semble pas s’être marié, ni avoir eu de descendance. C’est pourquoi nous pouvons dire que tous les Falardeau d’Amérique ont Guillaume comme ancêtre commun. Jean aurait été soldat, il aurait combattu au siège de Québec en 1690, où il aurait été blessé, selon le généalogiste Émile Falardeau. Je n’ai pu cependant obtenir les sources sur lesquelles se basait monsieur Falardeau.

Chose certaine, le 30 mars 1689, il passe un contrat d’engagement envers Mathieu D’Amour, « conseiller au conseil souverain de ce pays », devant le notaire Gilles Rageot. Pour la période du 31 mai au 31 octobre, il recevra « le prix et somme de 18 livres tournois avec sa nourriture » pour une tâche qui n’est pas précisée. Le fait que le notaire ajoute qu’il pourra « prendre et garder a son profit particulier autant de bestes a cornes et autres qu’il pourra garder a herbage sur les terres d’herbage dudit sieur Damour », laisse entendre qu’il devait travailler sur une ferme. Peut-il simultanément avoir été soldat, comme l’affirme Émile Falardeau ?

Chose certaine, compte tenu des informations qui suivent sur ses hospitalisations, on peut penser que le contrat d’engagement a pu être annulé. J’ai en effet trouvé trace de six hospitalisations à l’Hôtel-Dieu de Québec. C’est en étudiant celles-ci que j’ai vu une confirmation possible de l’hypothèse d’un lien entre Follardeau et Collardeau (voir le bulletin numéro 3). Voici en effet ce qu’on dit de ces hospitalisations dans le résumé qu’en fait le Programme de recherche en démographie historique de l’Université de Montréal (PRDH) :

  • 21 avril 1690 : Jean Faulardaux, hospitalisé 10 jours, originaire de Bignay, Saintonge, 22 ans;
  • 1er mai 1690 : Jean Faullardaux, hospitalisé 30 jours, originaire de Bignay, Saintonge, 22 ans;
  • 1er janvier 1691 : Jean Collardaux, hospitalisé 31 jours, originaire de Bignay, Saintonge, 22 ans;
  • 1er février 1691 : Jean Collardaux, hospitalisé 19 jours, originaire de Bignay, Saintonge, 22 ans;
  • 22 mars 1691 : Jean Follardaux, hospitalisé 10 jours, originaire de Bignay, Saintonge, 22 ans;
  • 1er avril 1691 : Jean Follardaux, hospitalisé 19 jours, originaire de Bignay, Saintonge, 22 ans.

Le document présente six hospitalisations différentes, impliquant en principe une sortie entre chacune, mais si on regarde les dates on peut penser qu’il s’est agi de trois hospitalisations mentionnées deux fois. Compte tenu des autres informations, nul doute qu’il s’agit de la même personne. Pourtant, on le nomme Collardaux deux fois sur six…

Chose certaine, on peut constater que durant cette période Jean Follardeau avait une santé fragile ou a été blessé. Pourrait-il avoir été blessé non pas au siège de Québec, mais dans une expédition, soit à Corlaer ou dans un de celles qui ont suivi ?

Jean était présent, probablement témoin, au mariage de son frère Guillaume le 25 janvier 1694. La seule autre trace de lui que j’ai trouvée est dans la liste des meuniers du Moulin du Petit Pré, à Château-Richer.

Liste des meuniers du Moulin du Petit Pré, à Château-Richer.
Photo : Agathe Tremblay.

On voit cette liste sur une photo que m’a fait parvenir madame Agathe Tremblay, collègue au Club de paléographie de la Société généalogique canadiennefrançaise, après une visite à Château-Richer. Bien qu’on le nomme Jean Falardeau, il s’agit sans doute du même, car le seul Jean qui lui est contemporain est le Jean Baptiste dont j’ai parlé dans le bulletin numéro 2, fils de Guillaume, né le 7 novembre 1694 (il aurait eu 11 ans en novembre 1705, date à laquelle on dit que Jean fut meunier au moulin).

Jean est décédé à Château-Richer le 8 décembre 1727.

Jeanne Follardeau

Enfin, Pierre Follardeau et Jeanne Cousteau avaient une fille, Jeanne, que nous découvrons grâce au contrat de mariage passé au hameau de La Groie, à Bignay, le 12 septembre 1688 (je ne suis pas parvenu à déchiffrer le nom du notaire, venu de Taillebourg). De ce que nous pouvons lire du contrat, il semble que Jeanne Cousteau avait des moyens limités puisque la seule dot consiste en quelques meubles (coffre de bois, table, linceul), des chaudrons, ustensiles, etc., avec un peu de vin et dix livres. Je ne sais rien de plus de cette sœur restée en France avec sa mère quand ses frères sont allés combattre en Amérique, d’où ils ne sont jamais revenus.