(Ce texte de François Falardeau a été originalement publié dans Le Feu Ardent, volume 2, numéro 1, février 2012.)

Je veux vous parler d’une situation assez particulière qui continue à poser des problèmes à tous les généalogistes qui s’intéressent aux Falardeau ou aux Bédard. Il s’agit de deux Falardeau, cousins l’un de l’autre, qui épousent à moins de dix ans d’intervalle deux Angélique Bédard, également parentes entre elles puisque le grand-père de l’une est l’arrière-grand-père de l’autre. De plus, un des deux couples présente une consanguinité au second degré, l’autre Angélique a une sœur qui porte le même prénom, et un des deux Falardeau en question change de prénom d’un acte à l’autre!

Je remercie Mario Falardeau et Pauline Allard pour leur aide précieuse dans la préparation de ce texte. J’invite également tous ceux et celles qui pourront aider à développer la connaissance sur ces deux familles à me faire part des résultats de leurs recherches.

Les deux Falardeau

Commençons par les Falardeau. Le premier, baptisé Jean François, est né le 6 août 1748 et a été baptisé le lendemain à Charlesbourg. Il est le fils de Jean François Falardeau et de Marie Josèphe Savard. Il épouse Angélique Bédard, fille de François Michel Bédard et de Marie Jeanne Savard, le 27 février 1775 à Loretteville. Le curé mentionne une dispense à cause de consanguinitatis qua inter se in secundo gradu : ils sont cousins germains, la mère de Jean François, Marie Josèphe Savard, étant la sœur de la mère d’Angélique, Marie Jeanne Savard!

Le second, que nous appellerons pour l’instant Charles, le nom qu’il porte à son mariage, est le fils de Charles Falardeau et de Marguerite Savard. Il épouse Marie Angélique Bédard, fille de feu Jean Bédard et de Marie Angélique Leros, le 19 janvier 1784 à Charlesbourg.

Comme je le disais ci-dessus, les deux Falardeau sont cousins, puisque Jean François, père de Jean François, et Charles, père de Charles, sont frères. Pour compliquer encore le tout, Marie Josèphe Savard, mère de Jean François, est la sœur de Marguerite Savard, mère de Charles. Charles et Jean François sont donc cousins autant du côté maternel que paternel!

Les deux Angélique Bédard

Quant aux deux Angélique Bédard, elles sont également parentes. La première est la fille de François Michel Bédard, qui est le fils de François Bédard et Marguerite Jolicoeur, sa seconde épouse. Étienne, fils de ce même François Bédard et de sa première épouse, Marguerite Auclair, a eu au moins six enfants, dont Jean, époux de Marie Angélique Leros et père de la seconde Angélique. François est donc le grand-père de la première et l’arrière-grand-père de la seconde.

Parmi les personnes présentes à ce dernier mariage, on note trois frères de Charles, François, Joseph et Étienne, ainsi que Pierre Verret. Ce dernier a épousé Marie Angélique Bédard, fille de Jean Bédard et Angélique Leros, le 11 janvier 1779 à Charlesbourg. Si ce n’était de la présence de Pierre Verret au mariage de la seconde Angélique, on pourrait penser que la même Angélique a épousé d’abord Pierre Verret, puis Charles Falardeau. Mais on doit finalement conclure qu’il s’agit de deux sœurs portant le même prénom. Comme la première est née le 7 octobre 1752 à Charlesbourg et la seconde le 26 octobre 1762, également à Charlesbourg, on peut présumer que c’est la seconde qui épouse Charles Falardeau, sinon la première se serait mariée à 17 ans et la seconde à 31 ans; cette dernière aurait également eu ses derniers enfants à 49 ans. De plus, à son inhumation le 23 janvier 1802 à Loretteville, elle est dite âgée de 36 ans, ce qui est plus près de 39 ans que de 49 ans.

Les enfants de Jean François Falardeau et Angélique Bédard

Poursuivons par ce premier couple, dont les enfants sont les plus faciles à déterminer, malgré certains doutes qui demeurent. Jean François Falardeau et Angélique Bédard ont eu 13 enfants, et chacun d’eux, à son baptême, est dit fils de François Falardeau et Angélique Bédard. Comme son père, Jean François a en effet porté uniquement le nom de François, tant à son mariage qu’au baptême et au mariage de ses enfants. C’est ce qui nous permet de conclure que les 13 sont frères et sœurs.

Nous verrons plus loin que dans l’autre famille il y a un Charles François, mais comme nous en arrivons à la conclusion qu’il ne s’agit pas du Charles qui épouse Marie Angélique Bédard, on peut conclure que les enfants attribués à François sont du couple Jean François Falardeau-Angélique Bédard. Je conserve cependant un doute, en particulier dans le cas d’Ambroise dont je parlerai plus loin.

Les enfants attribués à ce couple sont :

  • Louis, né vers 1776, qui épouse Marie Darveau le 30 août 1814 à Loretteville;
  • François, né le 17 février 1776 à Charlesbourg et baptisé le même jour (on n’en sait pas plus sur le reste de sa vie);
  • Un second François, né le 11 septembre 1777 à Charlesbourg et baptisé le même jour, qui épouse Marie Madeleine L’Heureux le 24 janvier 1803 à Loretteville;
  • Jean Baptiste, né et baptisé le 9 mars 1782 à Charlesbourg, qui épouse Marie Madeleine Duchesneau le 7 août 1810 à Loretteville;
  • Marie Angélique, née et baptisée le 14 juillet 1783 à Loretteville, qui ne semble pas s’être mariée;
  • Joseph, né le 26 mai 1785 et baptisé le lendemain, décédé le 16 octobre de la même année et enterré le lendemain;
  • Un second Joseph, né le 11 juillet 1786 et baptisé le lendemain à Charlesbourg, décédé le 25 octobre 1811 à Loretteville, dont on ne connaît pas de conjointe;
  • Charles, né et baptisé le 30 avril 1788 à Loretteville, dont on ne sait rien de plus;
  • Marie Louise, née le 22 février 1791 et baptisée le lendemain à Charlesbourg, décédée au même endroit le 8 mars de la même année et inhumée le lendemain à Charlesbourg;
  • Une seconde Marie Louise, née le 15 août 1792 à Charlesbourg, qui épouse Pierre Estiambre Sansfaçon le 25 novembre 1834 à Loretteville; 
  • Charles, né le 24 mai 1795 et baptisé le lendemain;
  • Ambroise, né le 21 décembre 1798 à Loretteville, qui épouse Marie Drolet le 10 octobre 1826 à Loretteville, puis Marie Madeleine Martel le 23 novembre 1841 à Loretteville. Son parrain est Ambroise Trudel, dont on ne précise pas le lien de parenté. Si c’est le même qui épouse Marie Louise Falardeau dont nous parlerons plus loin, il serait le cousin du père d’Ambroise Falardeau, alors que si Ambroise Falardeau était dans l’autre famille, il serait son oncle. Comme il est dit fils de François Falardeau et de Marie Angélique Bédard, je le maintiens dans cette famille mais avec un doute.
  • Enfin Marie, dont on ignore la date de naissance, qui épouse Jacques Duchesneau le 24 octobre 1809 à Loretteville. Celle-ci pourrait être la même que Marie Angélique, dont on ignore tout sauf sa naissance.

Les enfants de « Charles » et Marie Angélique Bédard

Je reviendrai plus loin sur le prénom de ce second Falardeau et sa place dans sa famille. Nous verrons, en parlant de chacun de ses enfants, qu’il a changé de prénom tout au long de sa vie, à tel point qu’il est difficile encore aujourd’hui d’affirmer avec certitude lequel des enfants de Charles Falardeau et Marguerite Savard a épousé, sous le nom de Charles Falardeau, Marie Angélique Bédard le 19 janvier 1784 à Charlesbourg.

Ce couple a probablement eu 13 enfants (lieu et date de naissance entre parenthèses) :

  • Jean Baptiste (Charlesbourg, 10 décembre 1784);
  • Marie Angélique (Charlesbourg, 2 avril 1786);
  • Charles (Charlesbourg, 2 juin 1787);
  • Marie (Loretteville, 15 juin 1789);
  • Louise (Charlesbourg, 20 octobre 1790);
  • Josephte (Charlesbourg, 19 juin 1792);
  • Joseph (Québec, 13 novembre 1793);
  • un premier François (Charlesbourg, 1er mai 1795) décédé à quatre mois;
  • Marie Marguerite (Loretteville, 6 décembre 1797);
  • Louis (Loretteville, 20 avril 1799), deux jumeaux anonymes (Loretteville, 23 janvier 1802);
  • et enfin un second François.

Les 12 premiers sont par ordre chronologique. Quant au second François, nous n’avons pas sa date de naissance, mais nous savons qu’il a épousé Charlotte Bernier le 29 août 1820 à Loretteville.

Compte tenu des changements fréquents de prénom du père, j’ai tenté pour chacun des enfants de trouver d’autres preuves confirmant qu’ils sont tous issus de ce couple. Voici ce que j’ai trouvé par ordre de preuve, les premiers servant parfois de preuve aux suivants :

  • Jean Baptiste : sa marraine est sa grand-mère, Marie Angélique Lereault. Or celle-ci est la mère de la Marie Angélique Bédard qui a épousé Charles Falardeau, ce qui nous permet de le rattacher au second couple. Notons qu’à son baptême, il est dit fils de Jean Baptiste Falardeau et de Marie Angélique Bédard. À son mariage, il est dit fils de feu Jean Falardeau et de défunte Angélique Bédard. Comme il signe (il signe Jean Falardeau même s’il est baptisé Jean Baptiste) à son mariage, on pourra considérer que quand il signe comme frère à un autre mariage il s’agit d’enfants de cette famille.
  • Louise : Ambroise Trudel, identifié comme son oncle et tuteur, assiste à son mariage. Celui-ci est l’époux de Marie Louise Falardeau, fille de Charles et de Marguerite Savard. De plus, son frère Jean signe à son mariage. À son baptême elle est dite fille de Jean Charles Falardeau et de Marie Angélique Bédard, et à son mariage de défunts Jean Falardeau et Angélique Bédard.
  • Le second François : à son mariage avec Charlotte Bernier, son frère Jean signe. François y est dit fils de défunts Jean Falardeau et Angélique Bédard.
  • Marie : à son mariage avec Joseph Barbeau, son frère Jean signe. De plus, Joseph Barbeau est identifié comme beau-frère au mariage de Jean. À sa naissance, elle est dite fille de Jean Baptiste Falardeau et de Marie Angélique Bédard, et à son mariage de feux Jean Falardeau et Angélique Bédard.
  • Josephte : à son mariage, son frère Jean signe. À son baptême, elle est dite fille de Jean Falardeau et de Marie Angélique Bédard, et à son mariage de feu Jean Falardeau et de défunte Angélique Bédard. À noter qu’Alexis Paradis assiste au mariage et qu’il est identifié comme beau-frère.
  • Marie Angélique : comme nous venons de le voir, Alexis Paradis, époux de Marie Angélique, est identifié comme beau-frère de Josephte au mariage de celle-ci, ce qui nous permet de la rattacher à cette famille À son baptême, elle est identifiée comme fille de Jean Baptiste Falardeau et de Marie Angélique Bédard, et à son mariage comme fille majeure de Jean Falardeau et d’Angélique Bédard.
  • Marie Marguerite : son parrain est Charles Savard fils, donc le fils de Charles Savard. Comme un frère de Marguerite Savard, épouse de Charles Falardeau, s’appelle Charles, on peut tirer comme conclusion que Marie Marguerite est la fille de Charles. Tant à son baptême qu’à son mariage avec Joseph Légaré, elle est identifiée comme fille de Jean Falardeau et d’Angélique Bédard.
  • Louis : à son mariage, on note dans les personnes présentes ses beaux-frères Joseph Barbeau et Joseph Légaré, ce qui confirme le lien avec cette famille. À son baptême, il est identifié comme fils de Jean Charles Falardeau et d’Angélique Bédard, et à son mariage avec Angèle Drouin comme fils de défunts Jean Falardeau et Angélique Bédard.
  • Joseph : à son baptême, il est dit fils de Jean Baptiste Falardeau et de Marie Angélique Bédard, et à son mariage de défunts Jean Falardeau et Angélique Bédard. C’est seulement la mention de Jean comme père qui nous le fait situer dans cette famille : nous avons vu que les 13 enfants du premier couple sont identifiés comme fils de François.
  • Jumeaux anonymes : les deux sont identifiés comme fils de Jean Falardeau, sans nom de conjoint. Par contre, ils sont enterrés le même jour qu’Angélique Bédard, épouse de Jean Falardeau. Nous présumons qu’Angélique est décédée en donnant naissance à ces jumeaux ou peu après.
  • Le premier François : à son baptême comme à son décès, il est dit fils de Jean Charles Falardeau et Angélique Bédard;
  • Charles : à son mariage, son témoin est « Ambroise Barbeau cousin de l’époux ». Celui-ci est le fils de Joseph Barbeau et Marguerite Falardeau, laquelle est la fille de Charles et Marguerite Savard; pour être cousin d’Ambroise, Charles doit donc descendre lui aussi de Charles Falardeau et Marguerite Savard, ce qui le rattache à cette famille. À son baptême, Charles est dit fils de Jean Baptiste Falardeau et d’Angélique Bédard, et à son mariage il est dit fils de feu Jean Falardeau et de défunte Angélique Bédard.

Charles falardeau

Mais qui est donc ce « Charles » Falardeau, époux de Marie Angélique Bédard? À moins qu’il existe deux Falardeau fils de Charles Falardeau et Marguerite Savard, qui épousent deux Angélique Bédard différentes, ce qui est hautement improbable, il faut en conclure que c’est le même qui se marie sous le prénom de Charles, qui au baptême de ses enfants porte le prénom de Jean Baptiste dans cinq cas, de Jean dans quatre et de Jean Charles dans trois, et enfin à la mort de son épouse et au mariage de ses dix enfants qui se sont mariés, toujours le prénom de Jean seulement.

Il faut donc remonter aux enfants de Charles Falardeau et de Marguerite Savard pour voir si l’un d’eux correspond à « Charles ». Ce couple a eu cinq filles : Marie Marguerite, Marie Joseph, Marie Françoise, Marie Louise et Marguerite, et on a retrouvé le baptême de quatre garçons :

  • Un premier Charles, né et baptisé le 5 août 1740 à Charlesbourg. Il épouse Josephte Barbeau le 27 juin 1763 à Loretteville après avoir passé un contrat de mariage devant le notaire André Genest le 20 juin 1763. Dans le contrat, il est dit âgé de 23 ans, ce qui correspond à quelques jours près au Charles né le 4 août 1740. Claire Séguin Dorais (Falardeau d’ici et d’ailleurs) l’identifie à tort comme celui qui épouse Marie Angélique Bédard le 19 janvier 1784 à Charlesbourg, car il est décédé avant le 22 juillet 1777. C’est en effet la date de l’inventaire après décès (notaire Geneste) où on le dit décédé sans préciser la date, et l’inventaire est fait « a la requeste de dame Marie Joseph Barbau veuve de sieur Charles Folardeau vivant habittant de la Seigneurie St Gabriel coste La longue qu’eu parroisse de Charlesbourg ».
  • François, né et baptisé le 1er avril 1744. Le généalogiste Joseph-Émilien Falardeau le nomme Jean François et l’identifie comme celui qui épouse Marie Angélique Bédard, à tort lui aussi comme nous le verrons plus loin.
  • Joseph, né le 1er octobre 1750 et baptisé le lendemain. Il épouse Marie Louise Girard Breton le 7 février 1780 à L’Ancienne-Lorette. Notons en passant qu’ici aussi les deux époux sont cousins, la mère de Joseph, Marguerite Savard, étant la sœur de la mère de Marie Louise, Marie Joseph Savard. Cette dernière est la même qui avait épousé en premières noces Jean François Falardeau et dont nous avons parlé avant.
  • Étienne, baptisé le 11 avril 1757 à Charlesbourg (on ne mentionne pas la date de naissance). Celui-ci épouse Marie Louise Pepin le 10 février 1777 à Charlesbourg; ses frères François et Joseph assistent à son mariage.
  • Enfin, pour Philippe Falardeau, un autre enfant, que Philippe nomme Jean Charles et dont il ne donne pas la date de naissance, épouse Marie Angélique Bédard le 19 janvier 1784 à Charlesbourg.

Qui a raison? Chose certaine, pour les 13 enfants retenus comme fils de ce couple, aucun n’est identifié comme fils de François. De plus, un François, frère de l’époux, assiste au mariage du 19 janvier 1784. On peut donc probablement éliminer la possibilité que le François né en 1744 soit le même que Charles.

Au mariage de Charles avec Marie Angélique Bédard, parmi les personnes présentes au mariage, on peut lire : « presence de François Foulardeau de Joseph Foulardeau Etienne Foulardeau freres ».

Puisque les trois frères précités, à l’exclusion du Charles décédé au plus tard en 1777, assistent à ce mariage, je conclus donc de tout cela, comme Philippe Falardeau avant moi, qu’un autre enfant de Charles Falardeau, et non le premier Charles ou François, épouse Marie Angélique Bédard le 19 janvier 1784 à Charlesbourg. Comme il donne le prénom de Charles à son mariage mais que le prénom de Jean est toujours présent au baptême ou au mariage de ses enfants, je retiens le prénom de Jean Charles.

Comme me le soulignait Pauline Allard, membre de l’Amicale à qui j’ai soumis ce problème, il s’appelait peut-être seulement Jean, ou Jean Baptiste, à son baptême, mais y a ajouté le nom de son père, comme plusieurs le faisaient pour se distinguer de cousins portant le même prénom. Et à son mariage, il n’aurait retenu que le prénom de son père, laissant tomber le Jean qu’on retrouvera plus tard au baptême et au mariage de ses enfants.

Qui dit mieux?