(Ce texte de François Falardeau a été originalement publié dans le Bulletin mensuel de l’Amicale généalogique Falardeau, volume 2, numéro 6, septembre 2009.)
Le 21 juin dernier, Pierre Falardeau, cinéaste et pamphlétaire, recevait le prix Pierre-Bourgault, offert annuellement par le Mouvement souverainiste du Québec à une personnalité qui s’est illustrée dans la défense du peuple québécois. J’avais tenté à quelques reprises de joindre monsieur Falardeau, dont j’avais obtenu le numéro de téléphone, mais nous ne nous étions « parlé » que par boîte vocale. J’ai donc profité de la remise du prix, à laquelle j’ai pu assister, pour dire quelques mots à monsieur Falardeau et à quelques membres de sa famille, et surtout pour connaître davantage cet homme qui est sans doute le plus connu des Falardeau, mais pas celui qui fait le plus l’unanimité!
J’avais appris dans La Presse qu’il souffrait d’un cancer. On nous a d’ailleurs prévenus d’éviter de lui toucher, car le traitement de chimiothérapie auquel il est actuellement soumis affaiblit grandement ses défenses. Il est apparu fatigué, et quand j’ai voulu lui parler après la cérémonie, il m’a seulement dit qu’il ne pouvait me parler, en raison de son épuisement. J’ai parlé à sa conjointe et à sa sœur Louise et j’ai remis à celle-ci copie du bulletin où j’avais parlé de lui, ainsi que sa généalogie agnatique. Né à Montréal le 28 décembre 1946, fils d’Alphonse Falardeau et Jeannine Ouimet, Pierre Falardeau est un descendant de Jean François Falardeau, le dernier fils de nos premiers ancêtres communs, Guillaume Follardeau et Marie Ambroise Bergevin. Le maître de cérémonie était Édouard Cloutier. Assistaient notamment à la rencontre, Martin Lemay, député du Parti québécois (Sainte-Marie–Saint-Jacques), Josée Beaudin, députée du Bloc québécois (Saint-Lambert), Bernard Émond, cinéaste (20h17 rue Darling, La neuvaine), Bernard Landry, ancien premier ministre du Québec et premier récipiendaire du prix Pierre-Bourgault en 2008 et sa femme, Chantal Renaud. Également présents, la conjointe de Pierre Falardeau, Manon Leriche, ses trois enfants, Jules, Jérémie et Hélène et sa sœur Louise.
Au Château Ramezay, on était venus nombreux pour accueillir les deux « monuments » qui ont accepté le prix en 2008 et 2009. Le premier invité, Gilles Laporte, historien, auteur de Patriotes et Loyaux, Leadership régional et mobilisation politique en 1837 et 1838, nous a parlé de Pierre Falardeau comme d’un cinéaste en plus d’un tribun exceptionnel, qui « a amené plus de jeunes à la cause de la souveraineté depuis dix ans que tout autre ». Il le présente comme un orateur clair, limpide, capable de capter une foule. Il nous parle de ses films les plus célèbres, les éternels Pea soup et Speak white, Le steak, chargé d’espoir, enfin trois œuvres de la maturité : Le party, Octobre, sur la crise d’octobre, et 15 février 1839, sur les dernières heures du patriote Chevalier de Lorimier et quatre de ses compagnons, « où il arrive à capter la moindre parcelle d’émotion de ses personnages ». Il parle de la recherche de l’authenticité qui a traversé toute son œuvre.
Je dois mentionner que durant la cérémonie, on a très peu parlé de sa série Elvis Gratton : le premier, Elvis Gratton, le King des Kings, fait à partir de trois courts métrages, puis Elvis Gratton II : Miracle à Memphis (1999), et enfin Elvis Gratton XXX : La vengeance d’Elvis Wong (2004). Comme le résume Wikipedia, les films mettaient en scène « un admirateur d’Elvis Presley, caricature de la petite bourgeoisie canadienne-française fédéraliste. Le film Elvis Gratton : le King des Kings demeure aujourd’hui une œuvre marquante de la cinématographie québécoise et son personnage principal est entré dans le folklore québécois ». Pour le comédien Yves Trudel, qui incarnait Méo, le beau-frère du célèbre Elvis Gratton, « Pierre mérite plus qu’un hommage, il mérite un pays ».
Dans son hommage, Bernard Landry nous dit : « Je pense à peu près la même chose que lui sur à peu près tous les sujets, mais je l’exprime à chaque fois de manière différente. Chacun son style ». Citant Saint Augustin, souvent cité par Pierre Bourgault : « L’espoir a deux enfants, la colère et le courage », il ajoute que Pierre Falardeau a incarné les deux. Il ajoutera entre autres : « Homère écrivait il y a 2000 ans que rien n’est plus doux que la patrie. 50 États l’ont compris au cours des dernières années… Quand on connaît l’histoire, on ne peut faire autrement que de regarder l’avenir dans la liberté… Bourgault serait fier de voir que tu reçois un prix qui porte son nom ».
Pierre Falardeau nous adresse ensuite la parole. Affaibli, il part lentement, mais finit par s’enflammer et retrouver le ton pamphlétaire qui le caractérise. Il n’est pas mécontent de recevoir des fleurs. Il a eu très peu de prix dans sa carrière : le prix Ouimet-Molson pour Octobre : il a pris l’argent – ce que plusieurs lui ont reproché, disant qu’on pouvait l’acheter pour 5000 $ (ce qui est vrai d’ailleurs, dit-il avec le sourire !) –, et continué à parler notamment contre les Molson.
Il ironise : il a été en nomination pour le prix de la recherche pour Le temps des bouffons, qui n’a nécessité aucune recherche, et il a été mis en nomination pour un prix Génie pour Le party dans la catégorie meilleurs costumes, « 200 gars en chemises grises et trois filles tout nues », et rien pour la musique de Richard Desjardins dans le même film ! Il trouve davantage sa récompense quand il se fait aborder dans la rue ou quand il a présenté Le temps des bouffons aux débardeurs du port de Montréal.
« Le prix qui m’intéresse, ajoute-t-il, c’est quand les Nations Unies vont annoncer qu’on est un nouveau pays ». Il a commencé à militer au RIN (Rassemblement pour l’indépendance nationale) en 1961. « Fatigué pas fatigué, faut se battre, c’est tout le temps. Si c’est le temps de parler d’indépendance, c’est bien aujourd’hui ». Il félicite les « petits jeunes » du Réseau de résistance du Québec qui ont dénoncé la nomination de Michael Sabia, membre du Conseil de l’unité canadienne, à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il cite comme modèle Gandhi, dont la marche du sel a amené la libération de l’Inde, et suggère aux députés du Bloc québécois de rester chez eux à l’occasion plutôt, par exemple, que de parler des soldats canadiens en Afghanistan comme de « nos » soldats.
Un dernier mot qui résume sa façon d’agir, en quelque sorte : « Je dis n’importe quoi, j’ai honte, mais en même temps j’assume ma honte ».