(Ce texte de François Falardeau et de Georges Falardeau a été originalement publié dans le Bulletin mensuel de l’Amicale généalogique Falardeau, volume 1, numéro 10, novembre 2008.)

Nous poursuivons dans ce numéro notre série d’articles sur les endroits où a vécu notre premier ancêtre Guillaume Follardeau ou Falardeau. Les recherches ont été effectuées principalement par Georges Falardeau.

Avant son mariage

Précisons d’abord que nous en savons bien peu actuellement sur les endroits où Guillaume a vécu avant son mariage, le 25 janvier 1694. Nous savons qu’il est probablement né à Bignay, à un moment encore à préciser, et qu’il a émigré en Nouvelle-France vers la fin des années 1680, comme soldat de la compagnie du sieur de Saint-Jean. D’après Joël Touzet, maire de Bignay (voir le bulletin numéro 8), il serait arrivé en 1687, donc dans un des quatre navires des Troupes franches de la Marine partis le 26 avril 1687, L’Arc-en-Ciel, La Friponne, La Profonde et Le Fourgon (source : Jean Leclerc, Le Marquis de Denonville, gouverneur de la Nouvelle-France, 1685-1689, Fides, 1976, texte trouvé sur Internet). Luc Lépine (Organisation militaire de la Nouvelle-France), parlant de ces troupes, précise : « Chaque compagnie est indépendante. La direction des différentes compagnies incombe au gouverneur général de la Nouvelle-France. Chaque capitaine recrute 50 soldats qui s’engagent pour une période de six ans. Après ce temps, les soldats peuvent retourner en France ou demeurer dans le pays ».

Où a-t-il vécu comme soldat? Encore Luc Lépine : « Comme il n’y avait pas de baraques pour les militaires avant 1750, les soldats étaient logés chez les habitants qui devaient, pour une certaine période, s’occuper de leurs invités. Les hivers canadiens ont toujours été longs, ce qui force les soldats à passer de longues heures près du feu à causer avec les jolies canadiennes. Aussi, il n’est pas surprenant de voir le nombre élevé de mariages de soldats des Compagnies franches de la Marine avec des habitants canadiens. »

On sait que Jean Bergevin avait été militaire du régiment de Carignan–Salières, et que René Siret dit Lafleur, qui faisait partie de la même compagnie, connaissait bien Guillaume, qui a peut-être habité chez lui. Il a donc pu se faire un rapprochement entre Marie Ambroise, fille de Jean, et Guillaume par personnes interposées. Guillaume étant lui aussi un soldat, cela a certes dû plaire à Jean Bergevin. Celui-ci devait avoir Guillaume en haute estime pour qu’il accepte de lui donner la main de sa fille, qui était âgée de seulement 18 ans. Ou bien Guillaume habitait déjà chez les Bergevin et y a donc connu Marie Ambroise, avec qui il partageait ses longues soirées d’hiver.

Quand a-t-il été démobilisé? Si certains d’entre vous ont des informations à ce sujet, elles sont les bienvenues. S’il faut en croire Gilles Falardeau, « après la défaite de Phips, Guillaume fut également libéré de l’armée, puisque le 9 décembre 1693, il prit possession d’une terre au bout et derrière la concession de René Siret et Anne Fayet. Était-ce chez ce vieux couple sans enfant de la côte Saint-Michel de Beauport que Guillaume jouait le rôle d’aide à l’habitant? » Nous reviendrons à sa démobilisation en parlant de son mariage.

Dans le contrat cité par Gilles Falardeau, on mentionne que la terre est située au village Saint-Ignace de Beauport. On ne retrouve aucune trace de ce village et aucune trace des voisins immédiats de Guillaume sur la carte de Québec levée en 1709. Comme les déplacements étaient fréquents à l’époque et que la période entre les contrats et la production de la carte est de 16 ans, il est tout à fait normal que nous n’y trouvions aucune trace qui puisse nous mener à la découverte de la terre de notre ancêtre. Quant au village Saint-Ignace, une hypothèse serait que le notaire ait voulu parler du Petit-Village de Beauport ou route Saint-Ignace-nord, cette route étant dans le Petit-Village. Le Petit-Village est situé au sud de la route de Bourg-Royal et faisait partie de la paroisse de Beauport à l’époque. Ceci expliquerait pourquoi Guillaume n’a pas exploité cette terre (voir plus loin) : le Petit-Village était un endroit où personne ne semblait vouloir s’installer à cause du manque d’accès aux autres concessions.

Dans Le terrier du Saint-Laurent en 1674, Marcel Trudel mentionne René Siret comme habitant dans le « rang Saint-Joseph, dit aussi village Saint-Joseph, établi entre la retenue de terre de 20 arpents et le rang Saint-Michel ». Rappelons que le village Saint-Joseph, sur la carte de [l’article Les déplacements de l’ancêtre Guillaume Falardeau], est situé en bas du village Saint-Michel. La concession accordée à Guillaume pourrait donc se trouver au village Saint-Michel, juste au-dessus de celle de René Siret, si celui-ci occupait toujours le même emplacement en 1693. Elle serait donc assez près de la terre offerte par Jean Bergevin dont nous parlerons plus loin.

Guillaume a-t-il vécu sur cette terre? Nous sommes portés à croire que non. D’abord, nous verrons plus loin qu’il se marie peu après et va habiter chez ses beaux-parents. De plus, cette concession sera annulée, le 7 mars 1712, et remise aux nouveaux propriétaires de la seigneurie. On ne donne aucun détail sur les raisons de cette remise. A-t-il négligé ses obligations, de payer à chaque année, à la Saint-Martin, une rente de 20 sols tournois, plus un sol par arpent de front et trois chapons vivants, et de plus de faire moudre son grain « au moulin bannal de nostre seigneurye »?

Une autre raison qui nous porte à croire qu’il n’a pas vécu sur cette terre, c’est qu’au moment de la publication des bans pour son mariage (voir texte qui suit), ainsi que dans son contrat de mariage et à son mariage, Guillaume est encore identifié comme soldat de la compagnie du sieur de Saint-Jean. On peut donc penser qu’il n’a été démobilisé qu’au moment ou après son mariage.

Dispense accordée en 1694.
Source : « Notes sur les archives de Notre-Dame de Beauport, par M. Jean Langevin, prêtre, ancien curé de cette paroisse, 1860 ».

Au mariage de Guillaume et Marie Ambroise

À peine un mois après l’obtention de sa première terre, le 9 décembre 1693, Guillaume passe un contrat qui lui en assure une seconde. En effet, dans ce deuxième contrat, qui est le contrat de mariage de Guillaume Falardeau avec Marie Ambroise Bergevin dit Langevin, en date du 13 janvier 1694, en consultant le document original du notaire Chambalon, on découvre des pistes intéressantes.

Extrait du contrat de mariage de Guillaume Follardeau
et Marie Ambroise Bergevin.
Transcription : Louise Falardeau.

Le document dit ceci : En faveur et contemplation dudit futur mariage ledit Bergevin et sadite femme promettent « bailler et payer donné par ces présentes une terre et habitation de trois arpants de front sur…… de proffondeur plus ou moins sittuée à Saint Ignace en ladite paroisse de Beauport joignant d’un costé à Jean Robert dautre costé à…… » (la profondeur est imprécise à cause d’une déchirure dans l’acte et le nom du second voisin est manquant).

Avant de chercher des précisions sur l’endroit où se situe cette terre, précisons que Guillaume et Marie Ambroise n’y ont pas vécu dès leur mariage. Le contrat stipule en effet (transcription en langue d’aujourd’hui) que les beaux-parents s’engagent à loger lesdits futurs époux « pandant un an du jour de leurs espousailles a leurs frais ». On ajoute que la seconde année, les futurs époux apporteront tout le blé qu’ils recueilleront tant sur ladite terre qu’en la terre neuve. Jean Bergevin et son épouse s’engagent également à leur fournir en cette deuxième année le surplus des autres vivres qu’il leur faudra, ceci pour les aider pendant ledit temps à mettre l’habitation ci-dessus en état de culture, « d ayder auxdits futurs espoux a se bastir sur ladite habitation pandant le cours desdites deux années ».

On peut donc présumer qu’ils vécurent au moins un an chez les parents de Marie Ambroise, et que c’est là que naquit l’aîné, Jean Baptiste, le 7 novembre 1694. Ils pourraient s’être installés dans leur nouvelle habitation au cours de l’été 1695. Mais où se situe cette habitation ?

La première habitation de Guillaume et Marie Ambroise

En consultant les cartes de 1709, tant celle à numéros que celle avec les noms des censitaires, on y découvre sur l’une le nom de Robert et sur l’autre le numéro 742 comme étant Jean Robert.

Si Jean Robert était le voisin de Guillaume, celui-ci serait sur la terre 741 ou sur la 743. En consultant les deux cartes, le voisin 743 est un nommé Jean Rodrigue. En faisant des recherches sur ce censitaire, on découvre qu’il n’a jamais quitté cette terre. Il en découle donc que la terre de Guillaume était située au numéro 741, où on trouve le nom de J. Tardif. Comme Guillaume a quitté Beauport vers 1699, il est évident que nous ne pouvons retrouver son nom sur les cartes de 1709.

Partie des cartes de Québec de 1709.
Autre partie de carte de Québec de 1709.

La première constatation est qu’au numéro de lot 740, il n’y avait probablement personne en 1694 car, dans le contrat de mariage, on mentionne seulement le nom de Jean Robert comme voisin. Ceci naturellement est une hypothèse.

La deuxième constatation est qu’on ne retrouve aucune mention de vente de terrain lorsqu’il a quitté Beauport vers 1699. Il a probablement remis la terre à son beau-père Jean Bergevin, qui l’avait payée, comme stipulé dans le contrat de mariage.

La troisième constatation est à l’effet que le troisième fils Falardeau, René, naquit le 14 novembre 1698 et fut porté sur les fonts baptismaux de Beauport par René Toupin et Marie Bergevin, sa tante (Source : Gérard Lebel, Nos ancêtres). En examinant lesdites cartes de 1709, on retrouve au numéro 739 René Toupin le petit Lapierre, et au numéro 740, la veuve Lapierre, qui était l’épouse de Pierre Toupin dit Lapierre; coïncidence heureuse.

Quatrième constatation, lorsque Guillaume Falardeau a donné quittance à son beau-père pour tous les avantages qui avaient été concédés de part et d’autre lors du contrat de mariage (greffe du notaire Jean Robert Duprac, 20 janvier 1698), les deux témoins étaient Jean Chevalier et Jean Turgeon. Or ce Jean Chevalier avait le numéro de lot 744 et Jean Turgeon le lot 778.

Il découle de toutes ces constatations que l’ancêtre Guillaume Falardeau a bien demeuré à cet endroit. Quant à savoir si c’est bien au village Saint-Ignace ou au village Saint-Michel, nous vous référons à nos explications [du début].

Il faut mentionner ici que son beau-père, Jean Bergevin, a vécu au village Saint-Michel. Il serait normal qu’à cette époque sa fille Marie Ambroise, qui était sa première fille, vive à proximité de son père et de sa mère. Jean Bergevin n’apparaît pas sur les cartes de 1709 parce qu’il est décédé le 2 février 1703.

Il reste à déterminer maintenant qui est ce Jean Robert mentionné comme voisin sur le contrat de mariage, ou ce Robert mentionné sur la carte de droite. Il y a bien eu un Robert à Beauport du nom de François, qui est né en 1720, ce qui évidemment ne peut être notre Jean Robert. Après de multiples recherches, je n’ai pas trouvé de Jean Robert à Beauport. Une hypothèse est que ce Jean Robert soit un prénom, peut-être celui de Jean-Robert Duprac, le notaire.

Carte d’une partie de la ville de Beauport.
Source : MapPoint.

Sur la carte ci-dessus, la ligne bleue, nord-sud, indique la rivière de Beauport tandis que le pointillé rouge montre la partie entre l’avenue Sainte-Thérèse et l’avenue Saint-Michel. Vous remarquerez la similitude dans le découpage de cette région avec la carte de Beauport en 1873 de [l’article Les déplacements de l’ancêtre Guillaume Falardeau], ainsi que la forme de la rivière qui la traverse. Sur cette carte, c’est la concession Saint-Michel. Plus bas, nous retrouvons l’avenue Saint-Joseph. Rappelons que le village Saint-Joseph, dans [l’article Les déplacements de l’ancêtre Guillaume Falardeau], est situé en bas de Saint-Michel. La rue Seigneuriale, ou montée Saint-Michel (nom à l’époque 1700), est la même qu’en 1873. Nous retrouvons aussi deux noms qui apparaissent sur les cartes du présent [article], la rue Turcot et la rue Bélanger. À gauche sur cette carte, nous retrouvons le Bourg-Royal, que nous retrouvons aussi sur ces mêmes cartes. Ceci donne une idée approximative du lieu où aurait vécu notre ancêtre Guillaume Falardeau, soit aux alentours de l’intersection de la rue Seigneuriale et de l’avenue Sainte-Thérèse. Impossible pour l’instant d’apporter plus de précisions.

Dans les prochains bulletins, nous verrons que Guillaume et Marie Ambroise se sont ensuite déplacés plus à l’ouest.