par François Falardeau
Quand on fait une recherche sur les premiers auteurs québécois, on tombe généralement sur Philippe Aubert de Gaspé, auteur de Les Anciens Canadiens en 1863 et Louis Fréchette, qui a publié son premier recueil de poèmes la même année. Ceux qui les précèdent, comme Fleury Mesplet, Pierre du Calvet, Joseph Quesnel ou monseigneur Joseph Octave Plessis, ont été soit journalistes et éditeurs ou auteurs d’essais historiques, juridiques, politiques ou religieux.
Cela ne signifie pas qu’aucun Québécois ne composait de textes avant 1800. Ceux-ci étaient surtout des chansons ou des contes, qui ont souvent été transmis par la tradition orale et édités beaucoup plus tard dans des recueils consacrés aux temps anciens. C’est le cas de La complainte qui aurait été écrite par Jacques Frichet, aussi appelé Fréchette, le 21 janvier 1747, donc sous le régime français.
Avant d’aller plus loin, un mot sur cet « auteur » et sur la raison qui m’amène à vous en parler. C’est Joseph-Émilien Falardeau, généalogiste dont nous avons déjà parlé (Joseph-Émilien Falardeau (dit JEF) – Amicale Falardeau), qui m’a mis sur la piste du document qui nous donne des informations sur l’auteur et nous présente sa complainte, soit Charlesbourg – Mélanges historiographiques; aussi La légende d’un tableau hors texte (Québec, Frs-N Faveur, imprimeur, 1896), de Joseph Trudelle. J’ai également tiré des informations du Fichier Origine et de The genealogical tree of Jacques Frichet (deloriahurst.com).
Jacques, né le 6 novembre 1714 à Charlesbourg, est le fils de Jacques Frichet et de Marie Françoise Sarrazin Depelteau. Le 26 août 1737, à Charlesbourg, il épouse Marie Jeanne Falardeau, fille de Guillaume et de Marie Jeanne Renaud. Ce Guillaume est le deuxième enfant de Guillaume et de Marie Ambroise Bergevin, nos ancêtres communs. Le couple Frichet-Falardeau a passé un contrat de mariage le 18 août devant le notaire Noël Duprac. Marie Jeanne Falardeau, née le 10 janvier 1719, décède le 21 avril 1774 à Charlesbourg.
Le père de notre auteur, fils de Jacques et de Louise Gaye, né vers 1682, probablement à Challans, en Vendée, a émigré en 1706 comme soldat de la Compagnie des canonniers du roy. Après sa démobilisation, il épouse Marie Françoise, dont le père est médecin, et devient meunier. Son fils suivra ses traces. Il fut en effet meunier seigneurial de Charlesbourg et aussi farinier du Moulin des mères.
Mais ce qui m’intéresse particulièrement est cette complainte qu’il a composée. Juste au-dessus du texte de Jacques Frichet, Trudelle nous présente cette complainte qu’il dit avoir trouvée « parmi les papiers de la succession de Maurice d’Héry, meunier du moulin du Bourg-Royal », qui « sont aujourd’hui en possession de Madame Jacques Lefebvre du Village de Saint-Joseph ».
Un dernier mot tout de même pour dire que j’ai tenté de vérifier si ce Jacques Frichet, aussi appelé Fréchette, était parent avec le poète Louis Fréchette mentionné plus haut. Dans Louis Fréchette – Notes pour servir à la Biographie du Poète, à la page 138, Lucien Serre mentionne que Jacques, le père de notre Jacques, est identifié comme cousin au mariage de François Fréchette avec Marguerite Bergeron, le 16 mai 1707 à Saint-Nicolas. François est l’arrière-arrière-grand-père de Louis. Si Serre a raison, la parenté existe, mais elle est ténue
Voici donc la Complainte. Je vous laisse juges de sa valeur littéraire et historique.
C’était un petit pauvre
Qui d’aumônes vivait,
Il s’en va chez un riche
Donne-moi la charité,
Donne-moi un croustillon,
Comme tu donnes à ton chien.
Mon chien me rend service
Mais toi tu me rends pas.
Au bout de trois jours
Le petit pauvre est mort,
S’en va trouver Saint Pierre
Ouvre-moi le Paradis.
Saint Pierre demande à Saint Jacques,
Qu’il y est aussi dedans :
» O sers le petit pauvre »
Qui d’aumônes vivait.
Entrez mon petit pauvre,
Les portes en sont ouvertes
Depuis hier au midi.
Au bout de six jours
Le mauvais riche est mort,
S’en va trouver Saint Pierre :
Ouvre-moi le Paradis.
Saint Pierre demande à Saint Jacques
Qu’il y est aussi dedans :
« Sers le mauvais riche »
Qui l’aumône a refusé.
As-tu chauffé les pauvres
As-tu vêtu les nus,
As-tu donné l’aumône
En l’honneur de Jésus ?
Je n’ai point chauffé les pauvres
Je n’ai point vêtu les nus
Je n’ai point donné l’aumône
En l’honneur de Jésus.
Si Dieu me fait l’honneur
De retourner d’où je viens,
Je chaufferai les pauvres,
Je vêtirai les nus,
Je donnerai l’aumône
En l’honneur de Jésus.
Toute feuille qui tombe de l’arbre
Ne reverdira jamais,
Aussi toi la pauvre âme,
Dans les enfers ira.
JACQUES FRÉCHETTE.
Bourg-Royal, le 21 janvier 1747.
Christian Boutet says:
Très Chrétien comme morale. Merci pour cette Complainte dont il manque la musique.
Christian Boutet says:
J’aurais aimé pouvoir la chanter
Mario says:
Belle trouvaille François. Merci